Forces spéciales : un engagement qui a du sens

La mort de Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, au cours de la mission de libération des quatre otages au Burkina Faso, nous a brutalement rappelé quel est le vrai sens de l’engagement. Ces deux hommes n’ont pas cherché la gloire, c’est elle qui les a trouvés. Ils ont simplement accompli leur mission, jusqu’à en payer le prix le plus fort, le prix du sang.
Parce qu’ils savaient que celle-ci avait un sens, leur engagement a été total et leur courage inébranlable.

« Selon le chef d’État-Major des armées, le général François Lecointre, ils ont […] été repérés à une dizaine de mètres du but et ont entendu les ravisseurs armer leurs armes. Pour ne pas risquer de tuer des civils ou les otages, ils sont alors partis à l’assaut sans ouvrir le feu », lisait-on dans La Croix, dimanche 12 mai. Cette bravoure ne laisse pas de nous étonner. Tout près du but, les militaires, dont la mission était de libérer les otages, n’ont pas reculé. Ni au propre ni au figuré. Ils devaient avoir conscience qu’ils risquaient leur vie, plus que jamais, mais ils ont décidé d’aller au bout de leur mission. Comment l’expliquer ?

 

Le sens de l’engagement du soldat, c’est de protéger la vie de ses concitoyens

 

Leur engagement avait du sens

 

Un soldat ne part pas au combat pour mourir. Même s’il sait que cela peut arriver, il aime la vie autant qu’un autre – peut-être plus, oserait-on dire, puisqu’il a engagé sa vie pour celle des autres. Le sens de l’engagement du soldat, c’est de protéger la vie de ses concitoyens, de ses frères d’armes et de ceux pour qui on lui demande de combattre.

Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello étaient deux jeunes hommes à l’engagement inébranlable, comme nous l’a prouvée la mission dans laquelle ils se sont engagés. Leur détermination aura été sans faille, pour atteindre le but qui leur avait été fixé, qu’ils avaient accepté. Cela est possible uniquement parce que cet engagement avait un sens. Pourvu que l’on soit persuadé que ce que l’on fait est juste, l’engagement peut être total. Cette histoire mérite qu’on en tire toute la leçon.

Les anglo-saxons ont forgé un concept, qu’ils nomment « Mission Command ».  Le commandement ne se fait pas uniquement par objectif, il se fait avant tout par la finalité de la mission. Ce principe est appliqué par les forces spéciales françaises. C’est lui qui permet aux opérateurs de s’adapter en cours d’action et de décider, en leur âme et conscience, comment ils vont parvenir à cette finalité en fonction de l’évolution de la situation.

Et comment pourrait-il en être autrement ? Ceux au contact du terrain sont les plus à même de prendre des décisions adaptées à l’environnement. Cela rejoint le principe militaire fondamental de la subsidiarité (un niveau hiérarchique ne peut remplir que les tâches qui ne peuvent être réalisées à l’échelon subordonné).

On risque plus rarement la mort dans un travail mené en entreprise. Mais cette manière de procéder est parfaitement adaptable, et d’une grande efficience.

 

Ils ont assumé de remplir la mission, jusqu’à sacrifier leur vie pour sauver celle des autres.

 

Un risque assumé

 

La deuxième leçon est celle du risque assumé. Le colonel à la retraite et historien militaire Michel Goya, interrogé par le journal La Croix l’explique : « Je préfère parler de risque assumé, ce n’est pas tout à fait pareil. Le terme sacrifice implique que l’on va volontairement à une mort certaine. Là, le but n’était assurément pas de se faire tuer. » Ces hommes savaient quel risque ils couraient mais ils n’ont pas été se jeter sciemment dans la gueule du loup.

Évidemment, l’opération a été préparée en amont, dans les moindres détails, incluant l’étude des principaux cas non conformes. Mais une fois au contact de l’ennemi, la décision appartient à ceux qui sont exposés. Repérés au moment de pénétrer dans la cible, ils ont assumé de remplir la mission, sans ouvrir le feu initialement, nous dit-on. Jusqu’à sacrifier leur vie pour sauver celle des autres. C’est une leçon admirable, et qui doit beaucoup à la confiance qu’ont ces hommes dans leur mission. Mais également dans leurs frères d’armes et en ceux qui les commandent.

« N’importe quelle unité aurait agi de même. » C’est encore ce qu’affirme Michel Goya. Cela montre la véritable solidarité qui existe entre les soldats engagés. Cela prouve également l’exemplarité des militaires français. Arnaud Beltrame nous l’avait démontré, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello nous le rappellent.

Ce ne sont pas sa technologie ou ses procédures qui font de l’armée française l’une des plus respectées au monde, c’est la confiance mutuelle de ses hommes ; c’est le respect de la parole donnée ; c’est une hiérarchie bien pensée, qui laisse aux hommes une part d’autonomie et la liberté d’agir ; c’est, enfin, une grande famille qui s’attache à créer les conditions pour que chacun mette tout son talent individuel au service de la mission du groupe.

Image : Commando du Liptako, © Thomas Goisque pour Le Point