Servir pour diriger

Ce n’est pas par de grandes phrases que l’on montre sa capacité à diriger, mais par son exemple. Le « servant leadership », qui a pu paraître révolutionnaire dans les années 1970 et qui revient à la mode, est en réalité une pratique ancestrale.

Être chef, c’est se mettre au service de l’intérêt collectif, c’est choisir de servir et non de se servir. Les voies pour parvenir à cette conception du leadership sont diverses. Certains passent par la méditation, d’autres par la communication non violente. Toutes empruntent le chemin de la relation, à soi et à l’autre et de la justice. La finalité repose sur une idée simple : savoir diriger, c’est d’abord savoir servir.

 

Donner pour recevoir

 

La féodalité reposait sur le principe d’un chevalier armé pour défendre la veuve et l’orphelin. Ce n’est que la détérioration des liens entre seigneurs et vassaux (l’homme-lige était lié à son suzerain par un serment qui les engageait tous deux) qui a pu donner lieu à des abus de pouvoir. De la même manière, le dirigeant d’une entreprise méconnaît son rôle et sa fonction s’il croit que les salariés sont à son service. C’est lui qui est à leur service, pour créer les conditions favorables à la mission de l’organisation, dans une recherche de prospérité et de juste répartition des richesses.

Dans de nombreuses cultures ancestrales était pratiqué ce que Marcel Mauss a désigné sous le nom de potlatch. Cette pratique persiste dans certaines communautés. Elle consiste à faire des dons qui imposent un contre-don, celui dont le don a le plus de valeur étant généralement reconnu comme le plus puissant – comme le chef.

Il en est un peu de même avec le concept de « servant leadership » : le chef est celui qui se met au service de son organisation et qui donne plus qu’il n’attend de recevoir. Cela permet en outre de désamorcer bien des situations conflictuelles et de maintenir l’engagement des équipes.

 

Un leader est suivi pour sa posture, son exemplarité et sa capacité à accompagner et faire grandir

 

Quitter le management par la contrainte

 

Dans cette optique, on quitte le management par la contrainte, qui n’est jamais productif sur le long terme. En donnant de l’attention aux personnes avec qui l’on travaille, en demeurant bienveillant tout en ayant la juste exigence, on les incite à travailler de manière plus honnête et plus engagée qu’en les y forçant.

Un leader est suivi pour sa posture, son exemplarité et sa capacité à accompagner et faire grandir. C’est dans cette optique que l’Américain Robert K. Greenleaf a développé la notion de « servant leadership » ou leadership par le service. Le rôle du chef est alors d’écouter, de servir et de faire progresser ses collaborateurs vers l’atteinte de l’objectif commun. Nous sommes là bien loin de l’image de garde-chiourme que certains peuvent encore avoir, et nous retrouvons l’idée originelle du chef.

 

Les mots-clés, quelle que soit la pratique par laquelle nous y arrivons, sont l’attention à soi-même, à l’autre et au monde

 

Méditation et communication non-violente

 

Pour parvenir à cela, certains leaders passent par la méditation. C’est le cas d’Antoine Raymond, PDG d’une entreprise de 7 200 salariés (ARaymond) et cofondateur de la chaire Paix économique et mindfulness à Grenoble Ecole de management. Dans une tribune qu’il a publiée dans le Monde*, il explique en quoi la méditation lui a permis de mettre en application le « servant leadership » en interne, ainsi que les principes de la communication non violente.

Près de 700 cadres ont été formés à ces notions dans son entreprise, ce qui n’oblige personne à le mettre en pratique. Il estime toutefois que cela a permis de mettre en place des relations professionnelles beaucoup plus apaisées.

Les mots-clés, quelle que soit la pratique par laquelle nous y arrivons, sont l’attention à soi, à l’autre et au monde, le respect de l’altérité, donc de la différence de capacités et finalement l’amélioration des relations sociales et collaboratives.

Nous avons beaucoup à gagner à nous mettre, ensemble, au service de la cause commune.

 

* https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/14/la-meditation-permet-d-ameliorer-les-relations-collaboratives-dans-l-entreprise_5489263_4415198.html