Jan Žižka, un modèle de manager visionnaire et innovant

Au sommaire :

– Connaissez-vous la figure étonnante de Jan Žižka ?
– Plus fort que son destin ,
– La vision du capitaine.
– La vision du manager.
– Transformer la faiblesse en force.
– Comme dans l’entreprise, « la nécessité engendre l’innovation »
– Pour conclure …

Introduction :

Dans cet article, je vous propose de découvrir les enseignements de leadership et de cohésion d’équipes que l’on peut retenir d’un grand chef de la fin du 15ème siècle : Jan Žižka.

 

Connaissez-vous la figure étonnante de Jan Žižka ?

 

Atypique et peu connu, il est pourtant l’un des plus grands chefs militaires de l’histoire. Et si vous allez à Prague, vous trouverez au sommet de la colline de Vitkov ce personnage représenté dans la plus grande statue équestre au monde.

 

Plus fort que son destin

 

Il a perdu un œil vers l’âge de 10 ans et finira sa carrière presque aveugle. Cela ne l’empêchera pas de devenir l’un des plus formidables stratèges de l’Histoire et pour certains, un des rares chefs de guerre n’ayant jamais perdu de bataille (comme Alexandre le Grand ou Genghis Khan).

Jan Žižka (1370-1424), considéré comme le « Napoléon du XVe siècle », était un général tchèque et le chef de la rébellion hussite en Bohême. Il est connu pour ses tactiques militaires et ses innovations dans l’art de la guerre. Il réussit à transformer une masse de paysans en une armée professionnelle avec laquelle il vainquit les redoutables chevaliers Teutoniques, pourtant très supérieurs en nombre et en expérience.

 

La vision du capitaine

 

Le « capitaine », le manager doit posséder l’indispensable vision d’ensemble et le coup d’œil qui lui permettent de renverser une situation sur sa capacité d’observation. C’est celui qui voit ce que l’homme ordinaire peine à percevoir.

Le coup d’œil du capitaine, comme son génie guerrier, fait partie intégrante de son bagage stratégique et de nombreux traités de stratégie y consacrent au moins quelques lignes. Napoléon, entre autres, y voyait là l’un des facteurs déterminants de l’art de la guerre.

Sur le théâtre d’opérations, la victoire tient souvent à une décision prise dans l’instant, lorsque le commandant en chef perçoit soudainement la faille qu’il va pouvoir exploiter.

Un homme, pourtant, rend caduque l’idée selon laquelle un général qui ne peut voir est nécessairement dépourvu de vision stratégique et de coup d’œil tactique. Très tôt borgne, puis aveugle, après avoir perdu son deuxième œil au combat, Jan Žižka – Jan « le Borgne » – fut paradoxalement l’un des plus grands visionnaires de l’histoire de la guerre et un immense capitaine.

 

Personne mieux que lui n’illustre ce propos de Clausewitz :

« Ce n’est donc pas seulement à l’œil corporel
mais plus fréquemment à l’œil de l’esprit que l’on pense
lorsqu’on parle de coup d’œil ».

 

La vision du manager

 

Frédéric le Grand, dans les Instructions militaires rappelait que « le coup d’œil, proprement dit, se réduit à deux points :

– Le premier est d’avoir le talent de juger combien un terrain peut contenir de troupes.
– L’autre talent, bien supérieur, est de savoir distinguer, au premier moment, tous les avantages à tirer d’un terrain. On peut acquérir ce talent, pour peu qu’on soit né avec un génie pour la guerre ».

Talents acquis de la vision physique et de la réflexion rapide (qui se transforme en vision stratégique), le grand capitaine a la résistance physique pour être dans la mêlée avec ses hommes et au-dessus de la mêlée pour les guider.

Aujourd’hui, les combats du manager ne sont évidemment plus de nature physique, mais il est demeure à la fois « dans la mêlée » et au-dessus, il surplombe une masse d’informations, à l’affût de celle qui sera pertinente pour nourrir sa stratégie en temps réel. Il a besoin, autant que dans le passé, de courage moral, de calme intérieur et de lucidité mentale.

Voilà l’importance de la vision pour le manager, une vision qui doit être rappelée et partagée avec ses collaborateurs, et enrichie du dialogue entre coéquipiers.

Mais cette vision commence le plus souvent dans la solitude de votre position et dans le silence de vos pensées.

C’est pourquoi il importe de vous interroger :

– Vous donnez-vous pleinement les moyens d’affiner et de garder cet « oeil de l’esprit » ouvert ?
– Parvenez-vous à conserver suffisamment de paix intérieure au milieu du fracas de la bataille quotidienne ?

Cette image du capitaine handicapé et pourtant tellement valide dans son for intérieur, qui remporta toutes ses batailles, même lorsqu’il devint aveugle, à force de connaissance du terrain, d’écoute de ses hommes et « d’œil de l’esprit », me pousse à une réflexion : celle sur l’importance de garder de précieux instants sur l’agenda pour « surplomber » la bataille, c’est-à-dire prendre de la hauteur sur les opérations quotidiennes et contempler les faits en vue de décisions éclairées.

– Et vous, gardez-vous ne seraient-ce que 15 minutes par jour pour reprendre l’altitude nécessaire et observer le terrain du regard de l’aigle ?

 

Transformer la faiblesse en force

 

« Žižka réalisa qu’il pouvait transformer la faiblesse apparente de son armée en sa plus grande force.

Il avait une armée de paysans, hommes et femmes, qui ne connaissaient rien à la guerre. Avec eux il a pourtant vaincu des armées professionnelles. Ils savaient manier les instruments agricoles, il les transforma en armes. Quant aux machines de labour, leur maniement sur des terrains difficiles, par tous les temps, lui inspira la création d’une machine de guerre ». (in “ Les grands capitaines”, d’Arnaud Blin, 2018).

Un grand principe de management apparaît dans ces lignes :
le leader ne s’arrête pas pour se plaindre des manques de ses collaborateurs. Il tire parti des habiletés existantes et les réoriente avec créativité vers un nouveau but.

 

Comme dans l’entreprise, « la nécessité engendre l’innovation »

 

« Traditionnellement et encore plus au Moyen Age, la stratégie défensive consistait à tenir une place forte. D’évidence, les paysans de Bohême ne possédaient pas des places fortes et ils n’avaient ni les moyens ni le temps d’un construire.

C’est là que Jan Žižka eut une illumination qui allait changer toute la dynamique et renverser le rapport des forces à sa faveur : « le wagon de combat ».

Bien que l’on trouve des précédents à cette invention à travers les âges, « il semble que l’invention des « wagons de combat » est due à l’imagination et à l’intelligence d’un individu : Jan Žižka.

Antécédent du char motorisé, le wagenburg ou wagon hussite était solidement construit pour parer à toutes les armes de l’époque, armé de canons, monté sur quatre roues, tiré par des chevaux ou des boeufs. Il comprenait plusieurs ouvertures pour les bouches à feu et une dizaine d’individus pouvaient se tenir à l’intérieur. Des coffres permettaient de stocker les charges et la poudre. Un toit ouvrant offrait, une fois déplié, une seconde protection sur la paroi exposée.

Lors du choc contre l’ennemi, deux colonnes de wagons tentaient de se rejoindre et se refermer sur l’ennemi selon un système des signaux, par des drapeaux indiquant aux combattants les mouvements à suivre. Pour l’adversaire habitué aux chocs de cavalerie, ces actions devaient être passablement déroutantes. »

Nous aimons tous l’histoire de David contre Goliath, et voir de petites structures l’emporter sur des adversaires de taille plus importante est toujours inspirant, mais ici s’ajoute un élément de créativité et d’innovation remarquable.

Ce chef, mi brigand mi héros, et presque aveugle, a inventé au Moyen Age un dispositif très efficace et précurseur de nos chars modernes. Sa vision et sa pensée dynamique lui ont permis de concevoir des dispositifs, des systèmes d’armes, des entraînements et des stratégies adaptées au contexte hostile de l’époque.

Réincarné en chef d’entreprise, il serait aujourd’hui capable d’imaginer de nouveaux produits, de reconvertir les aptitudes de ses collaborateurs, de surprendre ses concurrents, de réagir en environnement complexe et incertain.

Cela me permet de mettre, une nouvelle fois, l’accent sur l’importance de laisser émerger l’innovation aux seins de nos entreprises, en particulier dans un contexte en constante mutation.
Car si dans cette histoire les idées sont venues du chef, elles peuvent venir de vos collaborateurs, de façon individuelle ou collective, si les conditions sont réunies pour favoriser l’intelligence créative.

Y aurait-il, dans votre environnement interne, des solutions ou des innovations qui ne demandent que ce petit « coup d’œil » de votre part pour émerger ?

 

Pour conclure…

 

Cette histoire étonnante m’a été rappelée par Cécilia, une de mes collaboratrices, qui a été très enthousiaste à la lecture du livre “Les grands capitaines”, d’Arnaud Blin (2018), dont je me suis permis d’extraire quelques citations.

Je ne prétends pas être historien, ni même expert dans l’art de la guerre et certainement, je laisse de côté de nombreux aspects et nuances.
Mon intention était de vous proposer quelques points d’inspiration pour vous, dirigeants et managers d’un monde en mutation, à partir d’une conversation passionnante avec Cécilia qui, je l’espère, vous aura offert une lecture agréable et porteuse de sens.

– Qu’en pensez-vous ?
– Êtes- vous touché(e), comme moi, par ce personnage étonnant ?
– Et en quoi cette histoire vous rappelle nos enjeux actuels en entreprise ?

Hormis la lecture de ce livre, si vous voulez trouver Jan Žižka cet été:

Jan Žižka est le protagoniste de la campagne de Bohême d’Age of Empires II: DE.
Il est le personnage principal du film Medieval (2022) – L’empire au Québec, réalisé par Petr Jákl où il est interprété par Ben Foster.
Il au centre du récit Jean Žižka: épisode de la guerre des Hussites de l’écrivaine George Sand, qui le cite aussi dans son roman Consuelo.

A vos côtés pour de beaux succès d’équipe(s)

Olivier CROSETTA