Le jour où j’ai failli comme chef …

1 – Traverser l’inconnu seul alors qu’on est en charge d’une équipe

 

Le doute, le combat intérieur, l’incertitude

 

Bien des managers ont vécu le combat intérieur, dans les moments de doute, entre les émotions qui les traversent et ce qu’ils estiment devoir montrer en tant que leader, choisissant parfois de « préserver » leur image et, par-delà, leur conception de l’autorité.

Ce combat intérieur, c’est aussi celui qui oppose le calme affiché et l’angoisse vécue dans la solitude du management.

C’est aussi le fruit de la peur du regard des autres : « si j’avoue que je ne sais pas ou que je me suis trompé, que vont il penser ? Et que restera-t-il de mon statut de leader ?

 

La solitude du dirigeant et du manager

 

Le leader se retrouve souvent seul face à ses choix, ses décisions, qu’il se sent devoir assumer tout autant devant les personnes qui lui sont confiées que devant soi. Découvrez dans cet article qu’est ce qu’un bon Leader.

J’ai vu bien des managers s’enfermer dans des injonctions contraignantes comme “le leader ne doit pas faillir, il doit maîtriser, guider …”

Cela les empêche de s’appuyer sur les autres (cerveau collectif), de les responsabiliser et de bénéficier de leur regard.

La bonne pratique : partager avec votre adjoint ou une personne de confiance pour libérer une partie de votre charge mentale et prendre une décision adaptée.

 

La question au manager – dirigeant :

 

Quelle a été la situation dans laquelle vous vous êtes déjà senti(e) seul(e) dans le cadre de vos fonctions ?
Vous saviez que la meilleure solution serait de demander d’en parler mais vous ne l’avez peut-être pas fait, par fierté, par besoin de reconnaissance … Quel enseignement pourriez-vous en tirer ?

 

Ne pas perdre la face, devoir affronter seul ses angoisses, incertitudes et porter toute la responsabilité de son équipe

 

Le piège du mensonge

 

Peut-être vous est-il arrivé de mentir à vos équipes ou à votre hiérarchie pour ces raisons :
Doute, choix lourd de conséquence, manque de discernement, peur de mal faire, crainte d’être mal perçu, manque de compétences …

Il n’est pas ici question de porter un jugement sur ces situations mais d’analyser, avec le recul et un regard “en vérité”, si votre choix a influencé la performance et la cohésion du groupe en positif ou en négatif, à court terme et à moyen terme.

 

La contrainte de l’habit (armure) standardisé du manager

 

Prenez garde au « prêt à porter » en tant que manager !

Le manager alterne en permanence entre 4 rôles clés :
– Porteur du cadre
– Porteur de sens
– Porteur de challenges
– Accompagnateur.

Ces rôles sont identiques d’un manager à l’autre mais la manière de les incarner diffère, naturellement, selon la personnalité de chacun.

De plus, aucun de ces rôles n’est prépondérant.

C’est pourquoi il importe de laisser s’exprimer sa « couleur » naturelle et d’être attentif au lien et à l’écoute au sein de l’équipe, ainsi qu’aux conditions de la performance collective.

Au cours de cette mission en Guyane, je me suis imposé de « coller » à une image stéréotypée du leader qui me limitait pour faire évoluer mon management.

Il en a peut-être été, ou pourrait en être de même pour vous.

 

La bonne pratique :

 

Renforcez votre conscience de soi et votre compréhension des grands principes de relations interpersonnelles.
Cela vous aidera à résoudre efficacement les nombreuses situations complexes en lien au facteur humain et à la dynamique d’équipe.

Un manager ne “gère” pas des personnes, il est le garant des conditions du succès collectif tout en veillant à l’expression du Meilleur individuel de chacun.

 

La question au manager – dirigeant :

 

Avez-vous déjà dû choisir entre votre intérêt de manager et l’intérêt de votre équipe ?
Quelles en ont été les conséquences, en termes de performance et d’esprit d’équipe ?

 

3 – Protéger les autres ou se protéger soi-même ?

 

Protéger les autres ou se rassurer soi ?

 

Durant cette aventure en jungle, je croyais initialement protéger mes hommes, et bien faire ; mais très vite, le mécanisme que j’ai développé a, en réalité, cherché à me protéger moi-même. Protéger mon image, ma réputation, mon autorité mais en mettant finalement ma vie et celle de mes hommes en danger.

La tension intérieure que je ressentais était extrême, car je voulais les sauver de cette situation périlleuse et, dans le même temps, mon comportement les rapprochait du danger au fil des heures.

Et plus je m’enfonçais dans mes tentatives solitaires de nous sortir de l’écueil, plus je m’enfonçais dans l’angoisse et l’auto-jugement de mes décisions.

J’étais le seul à croire que cela ne se verrait pas, alors que mes hommes n’étaient pas dupes. Mais ’humain a un sens de la perception bien plus développé que nous le croyons souvent.

Ils avaient perçu la situation, de manière plus ou moins consciente, mais n’osaient insister sur leurs interrogations, par respect de l’ordre hiérarchique.

 

Protéger les autres ou les surprotéger ?

 

Le piège de la surprotection est qu’il place en posture parent – enfants, empêchant de les rendre autonomes et de les mettre dans leur puissance.

Mais alors, comment feront-ils le jour où le manager (donc vous) n’est pas présent pour régler une situation ?

Enfin, auront-ils eu le modèle (le vôtre) d’oser demander de l’aide lorsqu’ils sont en difficulté ou au contraire de feindre que tout va bien, se privant d’appuis extérieurs ?

 

« Un manager doit être performant, résilient et ne jamais faillir »

 

Voilà une croyance limitante que j’ai longtemps nourrie.

C’est ce qu’on pourrait attendre d’une intelligence artificielle (algorithme) mais pas d’un être humain, alors permettez-moi un conseil, osez le “et” (le collectif) plutôt que le “ou” (c’est eux ou moi).

Partager intelligemment avec les personnes concernées les sujets décisifs, facilite, en outre, la gestion des priorités.

Les problèmes de management sont toujours humains (causes) et génèrent des symptômes (comportements inadaptés, baisse de performance, erreurs…).

Trop souvent les managers travaillent sur les symptômes et s’essoufflent, voire se culpabilisent, de ne pas arriver à résoudre les situations, alors que c’est d’abord sur la cause qu’il convient de mettre la lumière. 

 

La question au manager – dirigeant :

 

quand un ami est en situation difficile, que lui dites-vous ? la vérité ou ce qu’il a envie d’entendre ? Et que faites-vous avec vos collaborateurs ?

 

La bonne pratique :

 

Apprenez à distinguer les causes des symptômes !

Pensez à moyen et long termes, tout en agissant au quotidien, car vous serez probablement encore manager de votre équipe dans les prochaines années.
La confiance se construit pas et pas et aussi, bien sûr, dans les situations difficiles car c’est là que l’on prouve par les faits, au-delà de ce que l’on dit.
Rappelez-vous qu’on juge un arbre à ses fruits (donc sur le moyen – long terme, pour l’humain).

 

4 – Ne pas s’enfermer dans ses croyances et faire appel à plus grand que soi

 

En-ferme-ment

 

Lors de cette mission militaire en jungle, en Guyane, je me suis aperçu que je m’étais enfermé dans mes croyances, dans une forme d’idéologie personnelle dont je ne pouvais plus sortir.

J’étais allé trop loin pour revenir en arrière dans mes décisions.

Piloté par ma peur du jugement, je ne parvenais à assumer la situation et refusais de prendre le risque de perdre l’image qu’ils avaient de moi.
Cette fameuse “supposition” de ce que pensent les autres de moi, mais sans l’avoir même vérifié !

Et vous, avez-vous déjà demandé à vos collaborateurs ce qu’ils pensent réellement et souhaitent de vous ?

Cela permet d’éclairer nos “angles morts”, que l’on a du mal à voir soi-même, sur soi et sur sa manière de manager.

Cela aide pourtant à progresser grandement et rapidement.

Dans ce mot “en-ferme-ment”, se retrouve la double notion de fermeture, et de mensonge à soi-même, et par ricochet aux autres.

 

Faire appel à plus grand que soi

 

C’est finalement une intuition qui nous a sorti de cette situation alors qu’elle semblait perdue …

La foi, et la spiritualité pour d’autres, peuvent être aussi des soutiens précieux dans les situations complexes.
Elles m’ont aidé bien souvent durant mes années militaires.

Pensez-y aussi dans le cadre de l’entreprise, utilisez toutes les ressources à votre disposition mais sans vous en rendre dépendant ! 

La question au manager – dirigeant : Repensez à une situation dans laquelle vous vous êtes obstiné(e) et qui vous a porté préjudice dans le passé. Avez-vous pensé à utiliser des ressources “hors cadre” pour vous aider à résoudre cette situation complexe et difficile ?

La bonne pratique : Quand vous ne savez pas, d’autres savent et cela n’enlève rien à votre expertise ni à votre valeur. Apprenez à utiliser votre intuition comme ressource complémentaire de discernement et à prendre l’habitude de demander de l’aide.

 

5 – Passer du “ou” au “et” ou “à la place”

 

Le leader est celui qui assume

 

Jeune Officier, je pensais qu’assumer en tant que leader signifiait assumer pour tout le monde.
Alors que le leader assume ses responsabilités, celle des résultats de son équipe mais doit laisser chaque collaborateur prendre les siennes, sinon cela augmente le risque de stress, de suradaptation et de burnout !

 

Choisir entre “ou” et et” 

 

Dans l’histoire que je raconte dans la vidéo, je rappelle que je pensais, à l’époque, en termes de
« concurrence » entre mes hommes et moi, imaginant que la confiance qu’ils m’accordaient découlait de mon statut de chef, qui se devait d’être infaillible.

J’ai compris plus tard qu’en faisant appel à eux, tout en demeurant leur chef, nous pouvions trouver ensemble des solutions sans que cela ne remette en question mon leadership.

Au contraire, ils m’auraient probablement respecté davantage encore pour la confiance que je leur accordais en les consultant pour des choix à enjeux.

Ce n’était donc pas eux OU moi mais eux ET moi.

 

La question au manager – dirigeant :

 

A votre avis, passer en force va-t-il vous fragiliser ou au contraire renforcer les liens avec vos collaborateurs ?
Et si vous demandiez leurs idées aux membres de votre équipe tout en restant le manager, en fixant le cadre et en demeurant le décisionnaire final ?

 

La bonne pratique :

 

Apprendre à faire respecter le cadre tout en proposant des réponses d’ouverture (avec un non proposant des alternatives, par exemple).

Accepter que, en tant que manager, le droit à l’erreur nous est également offert, l’essentiel étant d’en tirer les enseignements utiles.

Pensez-vous qu’un père ou une mère bienveillant(e) ne commet jamais d’erreurs ? Que ses enfants ne s’en rendent pas compte ? Cela diminue-t-il leur confiance ?

 

Ce que j’en ai retiré comme enseignements : 

– Les managers confondent souvent causes et symptômes

– L’humain est toujours une clé de la solution (au moins 50 %), les méthodes et expertises viennent en accompagnement

– Me rassurer, moi, en tant que manager, n’est pas les protéger, eux

– Un manager réussit grâce au collectif dont il a la responsabilité : le “ET” (eux ET moi) plutôt que le “OU” (eux OU moi)

– Passer en force révèle et génère la fragilité du manager et du groupe

– Assumer ses propres forces et faiblesses en tant que manager, au lieu de chercher à “devenir” une autre personne que vous n’êtes pas et ne serez probablement jamais

– Sortir d’une armure mal taillée du manager modèle et utiliser votre personnalité et réelle identité pour résoudre les problèmes posés (histoire, compétences, expertise, style…)

– Finalement, accepter d’être humain avec ses forces et fragilités n’enlève en rien votre statut hiérarchique (image, autorité et reconnaissance) et social (hors de l’entreprise). Cela peut même renforcer votre authenticité et la confiance que vos équipes vous portent en retour !

Pour conclure, je vous invite à vous défaire de cet habit de manager idéal (comme le gendre idéal) que vous pourriez porter et à assumer votre propre nature de leader, qui s’adapte à des rôles et attitudes différents selon les situations et les moments de la journée.

En un mot, utilisez vos qualités personnelles comme ressource principale de votre leadership, ce qui invite donc à avancer dans la connaissance de soi !

Une toute dernière question pour terminer cet article :

Quand vous pensez faillir, à qui et à quoi faillissez-vous vraiment ?

Je vous souhaite une belle réflexion et vous dis à très bientôt pour de nouvelles informations.

Au plaisir de vous lire

Olivier Crosetta