Le « burnout » (ou « épuisement professionnel »), qu’il serait, je trouve, plus judicieux de nommer « burn in », tant il s’agit d’un phénomène d’effondrement intérieur, est encore mal connu et mal accepté. L’OMS l’a toutefois reconnu en 2019 comme « un syndrome résultant de stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès ».
Si cette sorte « d’implosion » permet souvent, après une lente reconstruction, d’ouvrir son regard sur soi et sur son rapport au monde, il est grand temps de faire le nécessaire pour éviter d’en passer par là. C’est pourquoi il importe de comprendre ce qui y conduit, et de voir ce qui ne convient plus dans certaines formes de management.
Qu’est-ce que le burnout ?
Le burnout est un syndrome d’épuisement physique, émotionnel et psychique, généralement provoqué par un stress chronique au travail devenu trop lourd à supporter.
S’il est un syndrome, c’est donc qu’il est constitué d’un ensemble de symptômes ; et c’est leur non prise en compte qui conduit à cet état extrême. Ses conséquences sur la santé sont lourdes et cette situation pourrait être évitée en étant davantage à l’écoute, en amont. Pour autant, s’il n’est nullement nécessaire, ce syndrome pourrait, in fine, se révéler utile pour bien des personnes l’ayant traversé.
D’une certaine manière, on peut le considérer comme une sorte de fusible qui fondrait pour éviter à tout le système de s’embraser.
Rappelons d’abord que le stress est le syndrome de l’adaptation. Nous savons combien l’organisme humain possède d’incroyables capacités d’adaptation à son environnement. Ce sont elles qui lui ont permis d’évoluer au fil des millénaires pour garantir sa survie. Au fil de cette évolution, le besoin de parvenir à un équilibre entre les dimensions intellectuelle, émotionnelle, physique et spirituelle est devenu prégnant.
Lorsqu’une de ces dimensions de l’être se trouve « coupée » des autres, ou que notre « système » est en déséquilibre majeur, l’organisme réagirait au danger, dans un réflexe de survie visant à faire cesser, par ce syndrome d’épuisement, la situation de danger vital dans laquelle se trouve la personne.
Des symptômes pas toujours faciles à identifier
Les symptômes du burnout sont divers et graduels mais peuvent être résumés ainsi :
– Épuisement émotionnel, physique et psychique. La personne se sent vidée de ses ressources et la récupération, notamment par le sommeil, ne se fait plus de manière efficace, d’autant que la qualité de celui-ci s’est souvent progressivement dégradée.
– Dégradation de l’estime de soi, notamment en raison d’une baisse significative de la productivité au travail mais aussi dans les tâches du quotidien.
– Dépersonnalisation. Après une phase d’hypersensibilité (souvent vécue avec culpabilité), s’installe fréquemment une forme d’insensibilité émotionnelle, comme si la personne était coupée de sentiments, d’émotions et d’envie, dans tous les domaines de sa vie. Dans certains cas le phénomène s’accompagne du développement d’une forme de cynisme et de rejet de l’autre qui renforce le sentiment d’isolement.
– Troubles de santé (douleurs, hypertension, système immunitaire dépressif …).
Des causes extérieures en lien avec le travail et des profils de personnalité plus propices que d’autres
Ce « syndrome résultant de stress chronique au travail » (définition de l’OMS) découle d’une inadéquation entre une personne et son travail. Il survient « lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face » (définition de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail).
Les causes extérieures sont donc bien à rechercher dans l’environnement professionnel, même si l’évaluation de la capacité (réelle ou supposée) à faire face aux exigences de son travail est subjective.
Nous avons aujourd’hui suffisamment de recul pour savoir que certains profils sont plus susceptibles que d’autres d’être touchés par le burn out. De manière très schématique, les « profils à risque » se trouvent plutôt parmi les types de personnalités suivants (liste non exhaustive) :
– Profils surinvestis dans leur travail, que ce soit par vocation (soignants …) ou pour atteindre leurs objectifs.
– Personnes en manque de reconnaissance, par besoin inassouvi dans leur histoire personnelle ou appartenant à un corps social peu valorisé (infirmières, enseignants …).
– Perfectionnistes et personnes ayant un grand sens de l’autocritique, qui auront tendance à en faire toujours plus, sans pour autant être totalement satisfaites.
Une manière d’ouvrir son regard sur soi et sur son rapport au monde
Dans la plupart des cas que j’ai rencontrés, le burnout, en dépit des conséquences très graves sur la santé physique et psychique de la personne, a permis un retour à soi et une ouverture dans les quatre consciences : plus grande écoute de son corps (conscience corporelle), acceptation de ses émotions (conscience émotionnelle), changements dans son mode de vie (conscience intellectuelle), mais aussi reconnexion à la conscience spirituelle.
Finalement, en tirant les enseignements de cet accident de la vie et en prenant appui sur lui comme un déclencheur salutaire, la personne peut se ré-aligner avec sa raison d’être profonde et adopter un mode de vie plus conscient, et donc plus adapté à ses besoins fondamentaux.
Un mal que l’on peut éviter
On voit donc que l’on peut tirer de ce mal un bien, mais il n’est plus acceptable que tant de personnes en arrivent, aujourd’hui, à l’extrême du burnout pour prendre conscience des problèmes à résoudre. Il n’est pas admissible que des entreprises ferment encore les yeux sur les comportements générateurs de ce syndrome et ne prennent pas les mesures nécessaires en amont, alors que des solutions existent – nous en proposons nous-mêmes (notamment des stages de coaching pour prévenir le stress et le burnout) ! Pour cela, il est nécessaire que les dirigeants et les managers soient sensibilisés à la prévention de ce phénomène et, plus largement, des risques psycho-sociaux.
Il est grand temps, également, de changer les manières d’interagir au sein des organisations et de revoir les façons de contribuer au projet collectif. Cela passe nécessairement par une évolution de la culture managériale, dans le sens d’une réunification de paramètres trop longtemps opposés : exigence et bienveillance, confiance et performance, lien interpersonnel et résultat opérationnel …
C’est particulièrement vrai dans cette période où de nombreuses entreprises sont engagées dans des démarches de transformation. Souvent, ce n’est pas le changement en lui-même qui engendre le burnout, mais le manque de prise en compte de l’humain, dans ce processus de changement.
Or, là où la présence managériale devrait se renforcer, dans une posture accompagnante, les managers sont eux-mêmes absorbés par le pilotage technique du changement au sein de l’organisation. Pire, subissant eux-mêmes ce changement, souvent peu formés et non accompagnés dans leur posture de leaders accompagnateurs, ils deviennent à la fois « stresseurs et stressés », selon les termes du docteur Patrick Légeron (coauteur du rapport de l’Académie nationale de médecine sur le burnout, publié en 2016).
Voilà pourquoi, si une part revient à la personne (surinvestissement, difficulté à poser des limites, non écoute de ses propres symptômes …), il est important de rappeler que l’essentiel des causes du burnout relève de l’organisation, qui n’a pas su mettre en place une démarche permettant d’accompagner ses collaborateurs dans son propre changement, lui-même devenu nécessaire pour s’adapter aux évolutions de son environnement.
Que faire pour prévenir le burnout ?
Pour l’entreprise
– Sensibiliser les managers aux enjeux du burnout, à tous les niveaux de l’organisation.
– Prévenir l’épuisement professionnel, en faisant évoluer les comportements individuels et collectifs générateurs de burnout.
– Accompagner de manière préventive les personnes en risque.
– Renforcer la confiance, le lien entre les personnes et le sentiment d’appartenance à un collectif soudé.
– Développer une culture de la reconnaissance, pas seulement en lien aux résultats mais aussi aux efforts d’adaptation, dans une période de changements qui induit quasi inévitablement une dégradation temporaire de la performance.
– Donner du sens aux orientations prises par la Direction et aux actions demandées.
– Impliquer les collaborateurs dans la conduite des actions de leur niveau, en leur laissant la maîtrise de leurs tâches et de la manière de les accomplir.
– Etre à l’écoute des collaborateurs et des signaux faibles (une personne en « descente » vers le burnout appelle très rarement à l’aide).
– Offrir des moments de décompression et de prise de recul, pour permettre d’éclairer les situations à transformer et retrouver de l’énergie.
– Après un burnout, accompagner le retour au travail.
Pour la personne en risque de burnout
– Prendre conscience de son état d’épuisement et de son besoin imminent de modifier son rapport au travail.
– Renforcer la connaissance de soi et de son rapport au monde, afin d’éclairer ses moteurs, ses croyances, ses manières de fonctionner, et pour accroître son discernement.
– Prendre conscience de la nécessité de poser des limites.
– Apprendre à être à l’écoute de soi et des besoins de son corps.
– Retrouver des clés d’efficacité collective, dans le respect de soi, de l’autre et des enjeux de l’organisation.
Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (Fiche 22 ISSN 1681-2131), le stress occupe, après les douleurs dorsales, la deuxième place parmi les problèmes de santé au travail. Au fil de ces dernières années, les études et la sensibilisation sur ce sujet se sont multipliées, y compris sur sa forme la plus extrême, le burnout.
C’est pourquoi il n’est plus admissible de voir augmenter, aujourd’hui encore, les cas d’épuisement professionnel.
Des solutions existent, pour la prévention mais aussi pour la préparation et l’accompagnement du retour en poste après un arrêt de travail de longue durée.
Le moment est venu de les mettre enfin en œuvre.